Serge Chaumier dirige le Master Expographie Muséographie (MEM) à l’université d’Artois. Il nous explique ce que la pandémie a changé dans le quotidien de ses étudiants et comment il voit leur avenir.
Ancien attaché de conservation du patrimoine et directeur d’un musée de société pendant quatre ans, Serge Chaumier est également Professeur des Universités. De 2000 à 2010, il a dirigé une formation en muséologie puis l’IUP Denis Diderot à l’Université de Bourgogne avant de rejoindre l’université d’Artois. À l’origine de la création du master Expo-Muséographie (MEM) en 2012, il y enseigne la muséologie et l’expographie. Profondément engagé dans le cursus universitaire de ses étudiants, il a placé l’adaptabilité au cœur de la formation. Un choix qui revêt aujourd’hui toute son importance, compte tenu du contexte sanitaire troublé qui demande justement de savoir s’adapter.
Serge Chaumier, quelles sont les forces de votre diplôme ?
Notre formation repose sur la transversalité des matières et sur l’adaptabilité que nous avons effectivement placée au cœur du cursus. Ce mot est devenu très à la mode dernièrement, mais pour moi ce n’est absolument pas un effet de mode mais bel et bien une nécessité sociale afin que les institutions s’adaptent. Si nos propres étudiants, futurs professionnels du secteur culturel ne sont pas formés dans ce sens, les institutions se scléroseront. Il leur faut donc développer leur esprit critique, leur imaginaire et leur créativité. C’est d’ailleurs selon moi exactement le rôle que doit avoir la culture dans la société. Notre master repose aussi sur le principe de pédagogie inversée puisque les étudiants sont comme des professionnels. Ça va de leur présence quotidienne à l’université aux missions menées à partir des commandes venant d’institutions ou de collectivités partenaires.
Une formation peu académique, finalement !?
On essaie de se rapprocher de ce qui se fait dans les écoles d’art ou d’architecture. Du non académique tout en respectant les demandes ministérielles ! Le cadre existe mais chaque année apporte son lot de nouveautés. Beaucoup de matières et d’intervention s’articulent autour des projets tuteurés. Ces derniers sont volontairement diversifiés au sein d’une promotion pour permettre les apports réciproques entre apprenants. Pour Appel d’Air, la biennale d’art contemporain de la ville d’Arras organisée par les étudiants du master par exemple, les éditions varient selon les artistes, les étudiants et leurs personnalités mais le cadre est le même.
Votre master est également connu pour son association…
L’association de filière L’Art de muser vise à organiser les actions en relation avec l’équipe du master. Les étudiants y adhérent une fois en entrant dans le diplôme et en sont membres du moment qu’ils ou elles ont fait le cursus au complet. L’Art de muser conduit en relation avec le master des actions avec les institutions culturelles. Des commandes sont prises en charge et des missions conduites selon les demandes et opportunités. Mais le cœur de « métier » de cette association est l’écriture, avec la rédaction d’un magazine en ligne et un site internet très vivant. Un travail d’écriture au sens littéral du terme mais aussi un travail d’écriture filmique, pour communiquer sur son action par l’image (création de films, fictions, créativité pratico-pratique). L’association du MEM est également largement impliquée dans le Muséolab, un fablab au service de la muséographie pour développer, expérimenter et prototyper.
Qu’est-ce la crise a changé dans votre formation ?
Avec la crise sanitaire, nos étudiants ne peuvent malheureusement plus se déplacer pour mener leurs recherches et notre formation est ainsi amputée de ce qui fait une grande partie de son originalité. L’adaptabilité est aujourd’hui prônée mais selon nous, elle doit l’être dans une certaine mesure. Je n’ai personnellement pas envie d’aller dans le sens du numérique à tout prix car non seulement cela nous coupe de nos étudiants mais cela me pose souci d’un point de vue environnemental. Alors nous utilisons le numérique avec parcimonie : pour des réunions, des points rapides et des échanges avec nos étudiants au sujet de leurs projets tutorés qui se poursuivent malgré tout. L’accompagnement personnalisé évidemment se poursuit, mais lorsque nous sommes en ligne, les relations perdent de leur convivialité. C’est subjectif, mais les effets sont réels sur la formation.
Comment voyez-vous l’avenir de vos étudiants ?
Pour moi l’avenir n’est pas rose et c’est compliqué de m’adresser à des étudiants sans les déprimer alors qu’ils devraient être enthousiastes ! D’un point de vue professionnel, l’emploi culturel connaît des jours sombres. Croyez-moi, il faut en vouloir pour s’insérer dans la vie active culturelle ! C’est également dramatique d’un point de vue environnemental et il faut trouver un juste équilibre. Avoir 20 ans aujourd’hui n’est pas simple !
Par Céline Chaudagne,